Le Centre de recherche CEThicS, Centre d’études sur les technologies de surveillance, s’est créé en novembre 2023 au sein du laboratoire ETHICS EA 7446 de l’Université catholique de Lille. Il rassemble les équipes constituées ces dernières années autour, d’une part, de la Chaire de recherche Ethique de l’influence et, d’autre part, de l’ISTC dont les travaux scientifiques sont focalisés sur la société en réseau et la surveillance numérique.

Seize chercheurs sont aujourd’hui membres du CEThicS, premier Centre de recherche français interdisciplinaire dédié aux technologies de surveillance, membre du réseau international Surveillance Studies Network.

C’est donc une nouvelle étape importante qui marque le partenariat engagé, depuis trois ans, entre l’ISTC et la Chaire de recherche Ethique de l’influence du laboratoire ETHICS, autour des travaux concernant la surveillance.

L’influence : coercition, manipulation, persuasion

« Au sein de la Chaire Ethique de l’influence, créée il y a 8 ans, précise Malik Bozzo-Rey, nous analysons la manière dont s’opère l’influence sur les comportements des individus et sur leur prise de décision. Et comment cette influence – analysée en termes de coercition, de manipulation et de persuasion – peut redéfinir les relations entre la sphère publique (Institutions, Etat) et la sphère privée ».

Les chercheurs s’intéressent aux stratégies de communication d’influence des individus, mais aussi à la façon dont ceux-ci subissent les influences ou y résistent. En essayant d’évaluer les outils d’influence de masse, employés y compris dans le contexte des politiques publiques.

La surveillance numérique, internet et l’intelligence artificielle « A l’ISTC, nous dit Mehdi Ghassemi, nous centrons nos travaux de recherche depuis 3 ans sur la question de la surveillance numérique et les interrelations entre la société, internet et l’intelligence artificielle. Nous collaborons avec le Centre Internet et Société du CNRS ».

Les membres de CEThicS

ETHICS Chaire INFLUENTHICS (éthique de l’influence)

Malik Bozzo-Rey Directeur – Vincent Auber – Benoit Basse (associé) – Boualem Fardjaoui (associé) – Mamadou Fofana (associé) – Blandine Mallevaey (associée) – Angéla Marciniak (associé) – Héloise Michelon – Mate Paksy – Michael Quinn – Tiphaine Zetlaoui (associé)

ISTC (surveillance numérique)

Mehdi Ghassemi Directeur du pôle recherche – Camila Perez-Lagos – Camila Cabral Salles – Julien Onno – Madeleine Donnely

Le champ des Surveillance studies, qu’explore CEThicS, se réfère en particulier aux travaux du philosophe anglais du 18ème siècle, Jeremy Bentham, sur le Panoptique, dispositif de surveillance continue qu’il avait imaginé notamment pour l’univers carcéral et que le philosophe Michel Foucault a analysé dans son ouvrage Surveiller et punir. Ces travaux trouvent leur prolongement dans ceux développés par le philosophe Gilles Deleuze, le sociologue anglais David Lyon, ou encore par Shoshana Zuboff, auteur de L’âge du capitalisme de surveillance.

La surveillance est, de nos jours, omniprésente, aussi bien dans le débat public que dans la vie quotidienne : vidéosurveillance, compteurs connectés, fichiers numériques, puces RFID, géolocalisation, reconnaissance faciale, jusqu’aux autorisations de sortie que nous devions présenter lors de la crise COVID.

Vers une société de surveillance généralisée ?

Allons-nous pour autant vers une société de surveillance généralisée ? Pour Malik Bozzo-Rey, « la surveillance n’est qu’une des modalités de l’influence sur les comportements et sur les transformations sociales à l’œuvre. Il nous faut aussi étudier l’interrelation entre le contexte économique et l’émergence des nouvelles technologies. S’interroger par exemple sur ce qu’annonce le déploiement bientôt massif des outils automatiques de génération de langage et d’écriture ».

Rapports sociaux et fonctionnement de la démocratie

CEThicS développera quatre thèmes de recherche : l’analyse généalogique et conceptuelle de la surveillance ; l’élaboration des conditions de possibilité et de légitimité d’une éthique de la surveillance ; l’inscription des discours et imaginaires sur la surveillance dans la sphère publique ; les expériences vécues de la surveillance.

L’utilité de ces recherches réside finalement dans la capacité à mieux comprendre les mécanismes et dynamiques de surveillance à l’œuvre ainsi que leurs impacts sur la conception de la nature humaine, sur les rapports sociaux et, plus fondamentalement, sur le fonctionnement de la démocratie.

Un colloque ECOPOSS en 2025 : de la ville intelligente à la ville sécuritaire

À la fin des années 2000 émerge l’idée de « smart cities », métropoles intelligentes marquées par l’usage des technologies dans la vie quotidienne. Cette vision est désormais perçue comme une utopie, battue en brèche par la complexité du fonctionnement des villes. Elle est confrontée aussi à la notion de « ville verte » marquée par la sobriété énergétique et la réduction des dépenses des villes. Est apparu alors le concept de « safe cities », villes sécuritaires avec surveillance des comportements et contrôle social.

Le colloque permettra de s’interroger sur les multiples dysfonctionnements inhérents à la connectivité et à la multiplication des dispositifs numériques, aux possibilités de détournement que ceux-ci permettent, paradoxalement. Propriété et distribution des données dans l’urbanisme numérique, cybersécurité, imaginaire de la ville automatisée, gouvernance de villes numériques (comment et par qui), ville intelligente et sobriété énergétique…autant de sujets qui seront à l’étude.