Une analyse innovante pour mieux comprendre le comportement de dessin chez les hominidés
La doctorante Lison Martinet (Université de Strasbourg-Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien UMR7178), Cédric Sueur (CNRS-Université de Strasbourg)1, Marie Pelé (ETHICS EA 7446-Université Catholique de Lille), Tetsuro Matsuzawa (Université de Kyoto) et Satoshi Hirata (Université de Kyoto) présentent, dans la revue Scientific reports, leurs avancées quant à la compréhension du comportement de dessin. Leurs travaux portent sur l’élaboration d’un nouvel indice traduisant l’efficacité du tracé chez les humains mais aussi les chimpanzés.
Le domaine des Sciences Humaines a fait lumière sur nombre de mécanismes attenants au développement du comportement de dessin chez l’Homme. Analyses et interprétations portent, en général, sur les productions finales et la lecture que le dessinateur, souvent enfant, en fait. Les marques non figuratives produites par les plus jeunes, furent souvent considérées comme aléatoires, issues d’un plaisir moteur simple. L’Homme n’est pas le seul à exprimer ce comportement qui se retrouve également chez d’autres primates en captivité. Concernant les dessins réalisés par des grands singes tels les chimpanzés, de précédentes études tendent à montrer un intérêt à l’action de dessiner, suivi d’un total désintérêt une fois la production terminée. Leurs réalisations sont souvent comparées aux gribouillages des jeunes enfants.
Mais, absence de figuration rime t’elle nécessairement avec absence d’intention ? Comment procéder lorsque qu’il s’agit de très jeunes enfants ou d’espèces incapables de s’exprimer sur ce qu’ils produisent ?
Et si plutôt que de lire un dessin, nous le déchiffrions ?
Dans l’article publié dans Scientific Reports, Lison Martinet (Université de Strasbourg), Cédric Sueur (CNRS-Université de Strasbourg), Marie Pelé (Université Catholique de Lille), Jérôme Hosselet (Université de Strasbourg), Tetsuro Matsuzawa (Université de Kyoto) et Satoshi Hirata (Université de Kyoto) développent un indice spatial fractal donnant accès à l’efficacité du tracé aidant ainsi à déchiffrer et à comprendre un dessin sans avoir à en questionner l’auteur.
Les chercheurs ont collecté des dessins réalisés au doigt sur écran tactile par des enfants, des adultes humains et des chimpanzés. Ils ont ensuite traité le tracé du dessin de la même manière que pour la trajectoire d’un animal se déplaçant dans son environnement. L’indice mathématique spatial fractal qui découle de ces analyses se révèle plus faible lorsque le tracé tend vers l’aléatoire, et plus élevé lorsque celui-ci est orienté. Son application permet de mettre en évidence une différence entre les marques produites par les chimpanzés et celles réalisées par l’ensemble des humains y compris les plus jeunes de l’étude, des enfants de 3 ans. Les chimpanzés réalisent des marques moins orientées, mais pas aléatoires pour autant. Plus encore, des différences entre les classes d’âge ont été constatées. Ainsi, en grandissant, les enfants semblent gagner en efficacité de représentation, leurs réalisations allant droit au but, sans ajouts d’éléments superflus. En revanche, les adultes présentent un indice plus faible et donc une efficacité diminuée de par l’addition de détails nombreux et non utiles à la compréhension du dessin.
Les auteurs concluent à l’intérêt de poursuivre cette découverte de nouveaux indices mathématiques rendue possible grâce aux écrans tactiles ouvrant l’accès à des données jusqu’alors inexploitables. Cette nouvelle piste de recherche semble prometteuse pour cerner le comportement de dessin, aussi bien dans sa dimension évolutive qu’ontogénique.
Vidéo : https://seafile.unistra.fr/f/6d717778317e4bab9aa0/
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